jeudi 30 septembre 2010
mercredi 29 septembre 2010
Le fameux discours du Président Sarkozy au Sénégal...
Mesdames et Messieurs,
Permettez-moi de remercier d’abord le gouvernement et le peuple sénégalais de leur accueil si chaleureux. Permettez-moi de remercier l’université de Dakar qui me permet pour la première fois de m’adresser à l’élite de la jeunesse africaine en tant que Président de la République française.
Je suis venu vous parler avec la franchise et la sincérité que l’on doit à des amis que l’on aime et que l’on respecte. J’aime l’Afrique, je respecte et j’aime les Africains.
Entre le Sénégal et la France, l’histoire a tissé les liens d’une amitié que nul ne peut défaire. Cette amitié est forte et sincère. C’est pour cela que j’ai souhaité adresser, de Dakar, le salut fraternel de la France à l’Afrique toute entière.
Je veux, ce soir, m’adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n’ont pas la même langue, qui n’ont pas la même religion, qui n’ont pas les mêmes coutumes, qui n’ont pas la même culture, qui n’ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l’Afrique.
Oui, je veux m’adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l’humiliation, frères dans la révolte, frères dans l’espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d’une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l’exil lui-même ne peut effacer.
Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, pour pleurer avec vous sur les malheurs de l’Afrique. Car l’Afrique n’a pas besoin de mes pleurs.
Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, pour m’apitoyer sur votre sort parce que votre sort est d’abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse africaine de ma pitié ?
Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s’efface pas.
Je ne suis pas venu nier les fautes ni les crimes car il y a eu des fautes et il y a eu des crimes.
Il y a eu la traite négrière, il y a eu l’esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l’homme, ce fut un crime contre l’humanité toute entière.
Et l’homme noir qui éternellement « entend de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit de l’un d’entre eux qu’on jette à la mer ». Cet homme noir qui ne peut s’empêcher de se répéter sans fin « Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ». Cet homme noir, je veux le dire ici à Dakar, a le visage de tous les hommes du monde.
Cette souffrance de l’homme noir, je ne parle pas de l’homme au sens du sexe, je parle de l’homme au sens de l’être humain et bien sûr de la femme et de l’homme dans son acceptation générale. Cette souffrance de l’homme noir, c’est la souffrance de tous les hommes. Cette blessure ouverte dans l’âme de l’homme noir est une blessure ouverte dans l’âme de tous les hommes.
Mais nul ne peut demander aux générations d’aujourd’hui d’expier ce crime perpétré par les générations passées. Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères.
Jeunes d’Afrique, je ne suis pas venu vous parler de repentance. Je suis venu vous dire que je ressens la traite et l’esclavage comme des crimes envers l’humanité. Je suis venu vous dire que votre déchirure et votre souffrance sont les nôtres et sont donc les miennes.
Je suis venu vous proposer de regarder ensemble, Africains et Français, au-delà de cette déchirure et au-delà de cette souffrance.
Je suis venu vous proposer, jeunes d’Afrique, non d’oublier cette déchirure et cette souffrance qui ne peuvent pas être oubliées, mais de les dépasser.
Je suis venu vous proposer, jeunes d’Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d’en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l’avenir.
Je suis venu, jeunes d’Afrique, regarder en face avec vous notre histoire commune.
L’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s’est entretué en Afrique au moins autant qu’en Europe. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu’ils devaient penser, ce qu’ils devaient croire, ce qu’ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l’Afrique.
Ils ont eu tort.
Ils n’ont pas vu la profondeur et la richesse de l’âme africaine. Ils ont cru qu’ils étaient supérieurs, qu’ils étaient plus avancés, qu’ils étaient le progrès, qu’ils étaient la civilisation.
Ils ont eu tort.
Ils ont voulu convertir l’homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu’ils avaient tous les droits, ils ont cru qu’ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l’Afrique, plus puissants que l’âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d’Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.
Ils ont eu tort.
Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.
Ils ont eu tort.
Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l’ouverture aux autres, l’échange, le partage parce que pour s’ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l’autre, par la crainte de l’avenir.
Le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.
Il a pris mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu féconde des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n’étaient pas des voleurs, tous les colons n’étaient pas des exploiteurs.
Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils croyaient donner la liberté, ils créaient l’aliénation. Ils croyaient briser les chaînes de l’obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c’étaient les esprits, c’étaient les âmes qui étaient asservis. Ils croyaient donner l’amour sans voir qu’ils semaient la révolte et la haine.
La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs. Elle n’est pas responsable du fanatisme. Elle n’est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n’est pas responsable des gaspillages et de la pollution.
Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l’amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.
La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l’estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.
La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l’embryon d’une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur.
La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l’Europe et le destin de l’Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.
Et la France n’oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.
Nul ne peut faire comme si rien n’était arrivé.
Nul ne peut faire comme si cette faute n’avait pas été commise.
Nul ne peut faire comme si cette histoire n’avait pas eu lieu.
Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l’homme africain et l’homme européen.
Jeunes d’Afrique, vous êtes les héritiers des plus vieilles traditions africaines et vous êtes les héritiers de tout ce que l’Occident a déposé dans le cœur et dans l’âme de l’Afrique.
Jeunes d’Afrique, la civilisation européenne a eu tort de se croire supérieure à celle de vos ancêtres, mais désormais la civilisation européenne vous appartient aussi.
Jeunes d’Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu’elle est une maladie, une maladie de l’intelligence, et qui est ce qu’il y a de plus dangereux au monde.
Jeunes d’Afrique, ne vous coupez pas de ce qui vous enrichit, ne vous amputez pas d’une part de vous-même. La pureté est un enfermement, la pureté est une intolérance. La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme.
Je veux vous dire, jeunes d’Afrique, que le drame de l’Afrique n’est pas dans une prétendue infériorité de son art, sa pensée, de sa culture. Car, pour ce qui est de l’art, de la pensée et de la culture, c’est l’Occident qui s’est mis à l’école de l’Afrique.
L’art moderne doit presque tout à l’Afrique. L’influence de l’Afrique a contribué à changer non seulement l’idée de la beauté, non seulement le sens du rythme, de la musique, de la danse, mais même dit Senghor, la manière de marcher ou de rire du monde du XXème siècle.
Je veux donc dire, à la jeunesse d’Afrique, que le drame de l’Afrique ne vient pas de ce que l’âme africaine serait imperméable à la logique et à la raison. Car l’homme africain est aussi logique et raisonnable que l’homme européen.
C’est en puisant dans l’imaginaire africain que vous ont légué vos ancêtres, c’est en puisant dans les contes, dans les proverbes, dans les mythologies, dans les rites, dans ces formes qui, depuis l’aube des temps, se transmettent et s’enrichissent de génération en génération que vous trouverez l’imagination et la force de vous inventer un avenir qui vous soit propre, un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d’Afrique d’être vous-mêmes, libre de décider par vous-mêmes.
Je suis venu vous dire que vous n’avez pas à avoir honte des valeurs de la civilisation africaine, qu’elles ne vous tirent pas vers le bas mais vers le haut, qu’elles sont un antidote au matérialisme et à l’individualisme qui asservissent l’homme moderne, qu’elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l’aplatissement du monde.
Je suis venu vous dire que l’homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l’homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires.
Je suis venu vous dire que cette déchirure entre ces deux parts de vous-mêmes est votre plus grande force, et votre plus grande faiblesse selon que vous vous efforcerez ou non d’en faire la synthèse.
Mais je suis aussi venu vous dire qu’il y a en vous, jeunes d’Afrique, deux héritages, deux sagesses, deux traditions qui se sont longtemps combattues : celle de l’Afrique et celle de l’Europe.
Je suis venu vous dire que cette part africaine et cette part européenne de vous-mêmes forment votre identité déchirée.
Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, vous donner des leçons.
Je ne suis pas venu vous faire la morale.
Mais je suis venu vous dire que la part d’Europe qui est en vous est le fruit d’un grand péché d’orgueil de l’Occident mais que cette part d’Europe en vous n’est pas indigne.
Car elle est l’appel de la liberté, de l’émancipation et de la justice et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Car elle est l’appel à la raison et à la conscience universelles.
Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.
Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.
Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble être écrit d’avance.
Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin.
Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire.
Le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé.
Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance.
Le problème de l’Afrique, c’est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter.
Le problème de l’Afrique, ce n’est pas de s’inventer un passé plus ou moins mythique pour s’aider à supporter le présent mais de s’inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres.
Le problème de l’Afrique, ce n’est pas de se préparer au retour du malheur, comme si celui-ci devait indéfiniment se répéter, mais de vouloir se donner les moyens de conjurer le malheur, car l’Afrique a le droit au bonheur comme tous les autres continents du monde.
Le problème de l’Afrique, c’est de rester fidèle à elle-même sans rester immobile.
Le défi de l’Afrique, c’est d’apprendre à regarder son accession à l’universel non comme un reniement de ce qu’elle est mais comme un accomplissement.
Le défi de l’Afrique, c’est d’apprendre à se sentir l’héritière de tout ce qu’il y a d’universel dans toutes les civilisations humaines.
C’est de s’approprier les droits de l’homme, la démocratie, la liberté, l’égalité, la justice comme l’héritage commun de toutes les civilisations et de tous les hommes.
C’est de s’approprier la science et la technique modernes comme le produit de toute l’intelligence humaine.
Le défi de l’Afrique est celui de toutes les civilisations, de toutes les cultures, de tous les peuples qui veulent garder leur identité sans s’enfermer parce qu’ils savent que l’enfermement est mortel.
Les civilisations sont grandes à la mesure de leur participation au grand métissage de l’esprit humain.
La faiblesse de l’Afrique qui a connu sur son sol tant de civilisations brillantes, ce fut longtemps de ne pas participer assez à ce grand métissage. Elle a payé cher, l’Afrique, ce désengagement du monde qui l’a rendue si vulnérable. Mais, de ses malheurs, l’Afrique a tiré une force nouvelle en se métissant à son tour. Ce métissage, quelles que fussent les conditions douloureuses de son avènement, est la vraie force et la vraie chance de l’Afrique au moment où émerge la première civilisation mondiale.
La civilisation musulmane, la chrétienté, la colonisation, au-delà des crimes et des fautes qui furent commises en leur nom et qui ne sont pas excusables, ont ouvert les cœurs et les mentalités africaines à l’universel et à l’histoire.
Ne vous laissez pas, jeunes d’Afrique, voler votre avenir par ceux qui ne savent opposer à l’intolérance que l’intolérance, au racisme que le racisme.
Ne vous laissez pas, jeunes d’Afrique, voler votre avenir par ceux qui veulent vous exproprier d’une histoire qui vous appartient aussi parce qu’elle fut l’histoire douloureuse de vos parents, de vos grands-parents et de vos aïeux.
N’écoutez pas, jeunes d’Afrique, ceux qui veulent faire sortir l’Afrique de l’histoire au nom de la tradition parce qu’une Afrique ou plus rien ne changerait serait de nouveau condamnée à la servitude.
N’écoutez pas, jeunes d’Afrique, ceux qui veulent vous empêcher de prendre votre part dans l’aventure humaine, parce que sans vous, jeunes d’Afrique qui êtes la jeunesse du monde, l’aventure humaine sera moins belle.
N’écoutez pas jeunes d’Afrique, ceux qui veulent vous déraciner, vous priver de votre identité, faire table rase de tout ce qui est africain, de toute la mystique, la religiosité, la sensibilité, la mentalité africaine, parce que pour échanger il faut avoir quelque chose à donner, parce que pour parler aux autres, il faut avoir quelque chose à leur dire.
Ecoutez plutôt, jeunes d’Afrique, la grande voix du Président Senghor qui chercha toute sa vie à réconcilier les héritages et les cultures au croisement desquels les hasards et les tragédies de l’histoire avaient placé l’Afrique.
Il disait, lui l’enfant de Joal, qui avait été bercé par les rhapsodies des griots, il disait : « nous sommes des métis culturels, et si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s’adresse aussi aux Français et aux autres hommes ».
Il disait aussi : « le français nous a fait don de ses mots abstraits -si rares dans nos langues maternelles. Chez nous les mots sont naturellement nimbés d’un halo de sève et de sang ; les mots du français eux rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit ».
Ainsi parlait Léopold Senghor qui fait honneur à tout ce que l’humanité comprend d’intelligence. Ce grand poète et ce grand Africain voulait que l’Afrique se mit à parler à toute l’humanité et lui écrivait en français des poèmes pour tous les hommes.
Ces poèmes étaient des chants qui parlaient, à tous les hommes, d’êtres fabuleux qui gardent des fontaines, chantent dans les rivières et qui se cachent dans les arbres.
Des poèmes qui leur faisaient entendre les voix des morts du village et des ancêtres.
Des poèmes qui faisaient traverser des forêts de symboles et remonter jusqu’aux sources de la mémoire ancestrale que chaque peuple garde au fond de sa conscience comme l’adulte garde au fond de la sienne le souvenir du bonheur de l’enfance.
Car chaque peuple a connu ce temps de l’éternel présent, où il cherchait non à dominer l’univers mais à vivre en harmonie avec l’univers. Temps de la sensation, de l’instinct, de l’intuition. Temps du mystère et de l’initiation. Temps mystique ou le sacré était partout, où tout était signes et correspondances. C’est le temps des magiciens, des sorciers et des chamanes. Le temps de la parole qui était grande, parce qu’elle se respecte et se répète de génération en génération, et transmet, de siècle en siècle, des légendes aussi anciennes que les dieux.
L’Afrique a fait se ressouvenir à tous les peuples de la terre qu’ils avaient partagé la même enfance. L’Afrique en a réveillé les joies simples, les bonheurs éphémères et ce besoin, ce besoin auquel je crois moi-même tant, ce besoin de croire plutôt que de comprendre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce besoin d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête.
Ceux qui jugent la culture africaine arriérée, ceux qui tiennent les Africains pour de grands enfants, tous ceux-là ont oublié que la Grèce antique qui nous a tant appris sur l’usage de la raison avait aussi ses sorciers, ses devins, ses cultes à mystères, ses sociétés secrètes, ses bois sacrés et sa mythologie qui venait du fond des âges et dans laquelle nous puisons encore, aujourd’hui, un inestimable trésor de sagesse humaine.
L’Afrique qui a aussi ses grands poèmes dramatiques et ses légendes tragiques, en écoutant Sophocle, a entendu une voix plus familière qu’elle ne l’aurait crû et l’Occident a reconnu dans l’art africain des formes de beauté qui avaient jadis été les siennes et qu’il éprouvait le besoin de ressusciter.
Alors entendez, jeunes d’Afrique, combien Rimbaud est africain quand il met des couleurs sur les voyelles comme tes ancêtres en mettaient sur leurs masques, « masque noir, masque rouge, masque blanc–et-noir ».
Ouvrez les yeux, jeunes d’Afrique, et ne regardez plus, comme l’ont fait trop souvent vos aînés, la civilisation mondiale comme une menace pour votre identité mais la civilisation mondiale comme quelque chose qui vous appartient aussi.
Dès lors que vous reconnaîtrez dans la sagesse universelle une part de la sagesse que vous tenez de vos pères et que vous aurez la volonté de la faire fructifier, alors commencera ce que j’appelle de mes vœux, la Renaissance africaine.
Dès lors que vous proclamerez que l’homme africain n’est pas voué à un destin qui serait fatalement tragique et que, partout en Afrique, il ne saurait y avoir d’autre but que le bonheur, alors commencera la Renaissance africaine.
Dès lors que vous, jeunes d’Afrique, vous déclarerez qu’il ne saurait y avoir d’autres finalités pour une politique africaine que l’unité de l’Afrique et l’unité du genre humain, alors commencera la Renaissance africaine.
Dès lors que vous regarderez bien en face la réalité de l’Afrique et que vous la prendrez à bras le corps, alors commencera la Renaissance africaine. Car le problème de l’Afrique, c’est qu’elle est devenue un mythe que chacun reconstruit pour les besoins de sa cause.
Et ce mythe empêche de regarder en face la réalité de l’Afrique.
La réalité de l’Afrique, c’est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible.
La réalité de l’Afrique, c’est encore trop de famine, trop de misère.
La réalité de l’Afrique, c’est la rareté qui suscite la violence.
La réalité de l’Afrique, c’est le développement qui ne va pas assez vite, c’est l’agriculture qui ne produit pas assez, c’est le manque de routes, c’est le manque d’écoles, c’est le manque d’hôpitaux.
La réalité de l’Afrique, c’est un grand gaspillage d’énergie, de courage, de talents, d’intelligence.
La réalité de l’Afrique, c’est celle d’un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu’il n’arrive pas à se libérer de ses mythes.
La Renaissance dont l’Afrique a besoin, vous seuls, Jeunes d’Afrique, vous pouvez l’accomplir parce que vous seuls en aurez la force.
Cette Renaissance, je suis venu vous la proposer. Je suis venu vous la proposer pour que nous l’accomplissions ensemble parce que de la Renaissance de l’Afrique dépend pour une large part la Renaissance de l’Europe et la Renaissance du monde.
Je sais l’envie de partir qu’éprouvent un si grand nombre d’entre vous confrontés aux difficultés de l’Afrique.
Je sais la tentation de l’exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille.
Je sais ce qu’il faut de volonté, ce qu’il faut de courage pour tenter cette aventure, pour quitter sa patrie, la terre où l’on est né, où l’on a grandi, pour laisser derrière soi les lieux familiers où l’on a été heureux, l’amour d’une mère, d’un père ou d’un frère et cette solidarité, cette chaleur, cet esprit communautaire qui sont si forts en Afrique.
Je sais ce qu’il faut de force d’âme pour affronter le dépaysement, l’éloignement, la solitude.
Je sais ce que la plupart d’entre eux doivent affronter comme épreuves, comme difficultés, comme risques.
Je sais qu’ils iront parfois jusqu’à risquer leur vie pour aller jusqu’au bout de ce qu’ils croient être leur rêve.
Mais je sais que rien ne les retiendra.
Car rien ne retient jamais la jeunesse quand elle se croit portée par ses rêves.
Je ne crois pas que la jeunesse africaine ne soit poussée à partir que pour fuir la misère.
Je crois que la jeunesse africaine s’en va parce que, comme toutes les jeunesses, elle veut conquérir le monde.
Comme toutes les jeunesses, elle a le goût de l’aventure et du grand large.
Elle veut aller voir comment on vit, comment on pense, comment on travaille, comment on étudie ailleurs.
L’Afrique n’accomplira pas sa Renaissance en coupant les ailes de sa jeunesse. Mais l’Afrique a besoin de sa jeunesse.
La Renaissance de l’Afrique commencera en apprenant à la jeunesse africaine à vivre avec le monde, non à le refuser.
La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que le monde lui appartient comme à toutes les jeunesses de la terre.
La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que tout deviendra possible comme tout semblait possible aux hommes de la Renaissance.
Alors, je sais bien que la jeunesse africaine, ne doit pas être la seule jeunesse du monde assignée à résidence. Elle ne peut pas être la seule jeunesse du monde qui n’a le choix qu’entre la clandestinité et le repliement sur soi.
Elle doit pouvoir acquérir, hors, d’Afrique la compétence et le savoir qu’elle ne trouverait pas chez elle.
Mais elle doit aussi à la terre africaine de mettre à son service les talents qu’elle aura développés. Il faut revenir bâtir l’Afrique ; il faut lui apporter le savoir, la compétence le dynamisme de ses cadres. Il faut mettre un terme au pillage des élites africaines dont l’Afrique a besoin pour se développer.
Ce que veut la jeunesse africaine c’est de ne pas être à la merci des passeurs sans scrupules qui jouent avec votre vie.
Ce que veut la jeunesse d’Afrique, c’est que sa dignité soit préservée.
C’est pouvoir faire des études, c’est pouvoir travailler, c’est pouvoir vivre décemment. C’est au fond, ce que veut toute l’Afrique. L’Afrique ne veut pas de la charité. L’Afrique ne veut pas d’aide. L’Afrique ne veut pas de passe-droit.
Ce que veut l’Afrique et ce qu’il faut lui donner, c’est la solidarité, la compréhension et le respect.
Ce que veut l’Afrique, ce n’est pas que l’on prenne son avenir en main, ce n’est pas que l’on pense à sa place, ce n’est pas que l’on décide à sa place.
Ce que veut l’Afrique est ce que veut la France, c’est la coopération, c’est l’association, c’est le partenariat entre des nations égales en droits et en devoirs.
Jeunesse africaine, vous voulez la démocratie, vous voulez la liberté, vous voulez la justice, vous voulez le Droit ? C’est à vous d’en décider. La France ne décidera pas à votre place. Mais si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors la France s’associera à vous pour les construire.
Jeunes d’Afrique, la mondialisation telle qu’elle se fait ne vous plaît pas. L’Afrique a payé trop cher le mirage du collectivisme et du progressisme pour céder à celui du laisser-faire.
Jeunes d’Afrique vous croyez que le libre échange est bénéfique mais que ce n’est pas une religion. Vous croyez que la concurrence est un moyen mais que ce n’est pas une fin en soi. Vous ne croyez pas au laisser-faire. Vous savez qu’à être trop naïve, l’Afrique serait condamnée à devenir la proie des prédateurs du monde entier. Et cela vous ne le voulez pas. Vous voulez une autre mondialisation, avec plus d’humanité, avec plus de justice, avec plus de règles.
Je suis venu vous dire que la France la veut aussi. Elle veut se battre avec l’Europe, elle veut se battre avec l’Afrique, elle veut se battre avec tous ceux, qui dans le monde, veulent changer la mondialisation. Si l’Afrique, la France et l’Europe le veulent ensemble, alors nous réussirons. Mais nous ne pouvons pas exprimer une volonté votre place.
Jeunes d’Afrique, vous voulez le développement, vous voulez la croissance, vous voulez la hausse du niveau de vie.
Mais le voulez-vous vraiment ? Voulez-vous que cesse l’arbitraire, la corruption, la violence ? Voulez-vous que la propriété soit respectée, que l’argent soit investi au lieu d’être détourné ? Voulez-vous que l’État se remette à faire son métier, qu’il soit allégé des bureaucraties qui l’étouffent, qu’il soit libéré du parasitisme, du clientélisme, que son autorité soit restaurée, qu’il domine les féodalités, qu’il domine les corporatismes ? Voulez-vous que partout règne l’État de droit qui permet à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre des autres ?
Si vous le voulez, alors la France sera à vos côtés pour l’exiger, mais personne ne le voudra à votre place.
Voulez-vous qu’il n’y ait plus de famine sur la terre africaine ? Voulez-vous que, sur la terre africaine, il n’y ait plus jamais un seul enfant qui meure de faim ? Alors cherchez l’autosuffisance alimentaire. Alors développez les cultures vivrières. L’Afrique a d’abord besoin de produire pour se nourrir. Si c’est ce que vous voulez, jeunes d’Afrique, vous tenez entre vos mains l’avenir de l’Afrique, et la France travaillera avec vous pour bâtir cet avenir.
Vous voulez lutter contre la pollution ? Vous voulez que le développement soit durable ? Vous voulez que les générations actuelles ne vivent plus au détriment des générations futures ? Vous voulez que chacun paye le véritable coût de ce qu’il consomme ? Vous voulez développer les technologies propres ? C’est à vous de le décider. Mais si vous le décidez, la France sera à vos côtés.
Vous voulez la paix sur le continent africain ? Vous voulez la sécurité collective ? Vous voulez le règlement pacifique des conflits ? Vous voulez mettre fin au cycle infernal de la vengeance et de la haine ? C’est à vous, mes amis africains, de le décider . Et si vous le décidez, la France sera à vos côtés, comme une amie indéfectible, mais la France ne peut pas vouloir à la place de la jeunesse d’Afrique.
Vous voulez l’unité africaine ? La France le souhaite aussi.
Parce que la France souhaite l’unité de l’Afrique, car l’unité de l’Afrique rendra l’Afrique aux Africains.
Ce que veut faire la France avec l’Afrique, c’est regarder en face les réalités. C’est faire la politique des réalités et non plus la politique des mythes.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est le co-développement, c’est-à-dire le développement partagé.
La France veut avec l’Afrique des projets communs, des pôles de compétitivité communs, des universités communes, des laboratoires communs.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une politique d’immigration négociée ensemble, décidée ensemble pour que la jeunesse africaine puisse être accueillie en France et dans toute l’Europe avec dignité et avec respect.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une alliance de la jeunesse française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit un monde meilleur.
Ce que veut faire la France avec l’Afrique, c’est préparer l’avènement de l’Eurafrique, ce grand destin commun qui attend l’Europe et l’Afrique.
A ceux qui, en Afrique, regardent avec méfiance ce grand projet de l’Union Méditerranéenne que la France a proposé à tous les pays riverains de la Méditerranée, je veux dire que, dans l’esprit de la France, il ne s’agit nullement de mettre à l’écart l’Afrique, qui s’étend au sud du Sahara mais, qu’au contraire, il s’agit de faire de cette Union le pivot de l’Eurafrique, la première étape du plus grand rêve de paix et de prospérité qu’Européens et Africains sont capables de concevoir ensemble.
Alors, mes chers Amis, alors seulement, l’enfant noir de Camara Laye, à genoux dans le silence de la nuit africaine, saura et comprendra qu’il peut lever la tête et regarder avec confiance l’avenir. Et cet enfant noir de Camara Laye, il sentira réconciliées en lui les deux parts de lui-même. Et il se sentira enfin un homme comme tous les autres hommes de l’humanité.
Je vous remercie.
Permettez-moi de remercier d’abord le gouvernement et le peuple sénégalais de leur accueil si chaleureux. Permettez-moi de remercier l’université de Dakar qui me permet pour la première fois de m’adresser à l’élite de la jeunesse africaine en tant que Président de la République française.
Je suis venu vous parler avec la franchise et la sincérité que l’on doit à des amis que l’on aime et que l’on respecte. J’aime l’Afrique, je respecte et j’aime les Africains.
Entre le Sénégal et la France, l’histoire a tissé les liens d’une amitié que nul ne peut défaire. Cette amitié est forte et sincère. C’est pour cela que j’ai souhaité adresser, de Dakar, le salut fraternel de la France à l’Afrique toute entière.
Je veux, ce soir, m’adresser à tous les Africains qui sont si différents les uns des autres, qui n’ont pas la même langue, qui n’ont pas la même religion, qui n’ont pas les mêmes coutumes, qui n’ont pas la même culture, qui n’ont pas la même histoire et qui pourtant se reconnaissent les uns les autres comme des Africains. Là réside le premier mystère de l’Afrique.
Oui, je veux m’adresser à tous les habitants de ce continent meurtri, et, en particulier, aux jeunes, à vous qui vous êtes tant battus les uns contre les autres et souvent tant haïs, qui parfois vous combattez et vous haïssez encore mais qui pourtant vous reconnaissez comme frères, frères dans la souffrance, frères dans l’humiliation, frères dans la révolte, frères dans l’espérance, frères dans le sentiment que vous éprouvez d’une destinée commune, frères à travers cette foi mystérieuse qui vous rattache à la terre africaine, foi qui se transmet de génération en génération et que l’exil lui-même ne peut effacer.
Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, pour pleurer avec vous sur les malheurs de l’Afrique. Car l’Afrique n’a pas besoin de mes pleurs.
Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, pour m’apitoyer sur votre sort parce que votre sort est d’abord entre vos mains. Que feriez-vous, fière jeunesse africaine de ma pitié ?
Je ne suis pas venu effacer le passé car le passé ne s’efface pas.
Je ne suis pas venu nier les fautes ni les crimes car il y a eu des fautes et il y a eu des crimes.
Il y a eu la traite négrière, il y a eu l’esclavage, les hommes, les femmes, les enfants achetés et vendus comme des marchandises. Et ce crime ne fut pas seulement un crime contre les Africains, ce fut un crime contre l’homme, ce fut un crime contre l’humanité toute entière.
Et l’homme noir qui éternellement « entend de la cale monter les malédictions enchaînées, les hoquettements des mourants, le bruit de l’un d’entre eux qu’on jette à la mer ». Cet homme noir qui ne peut s’empêcher de se répéter sans fin « Et ce pays cria pendant des siècles que nous sommes des bêtes brutes ». Cet homme noir, je veux le dire ici à Dakar, a le visage de tous les hommes du monde.
Cette souffrance de l’homme noir, je ne parle pas de l’homme au sens du sexe, je parle de l’homme au sens de l’être humain et bien sûr de la femme et de l’homme dans son acceptation générale. Cette souffrance de l’homme noir, c’est la souffrance de tous les hommes. Cette blessure ouverte dans l’âme de l’homme noir est une blessure ouverte dans l’âme de tous les hommes.
Mais nul ne peut demander aux générations d’aujourd’hui d’expier ce crime perpétré par les générations passées. Nul ne peut demander aux fils de se repentir des fautes de leurs pères.
Jeunes d’Afrique, je ne suis pas venu vous parler de repentance. Je suis venu vous dire que je ressens la traite et l’esclavage comme des crimes envers l’humanité. Je suis venu vous dire que votre déchirure et votre souffrance sont les nôtres et sont donc les miennes.
Je suis venu vous proposer de regarder ensemble, Africains et Français, au-delà de cette déchirure et au-delà de cette souffrance.
Je suis venu vous proposer, jeunes d’Afrique, non d’oublier cette déchirure et cette souffrance qui ne peuvent pas être oubliées, mais de les dépasser.
Je suis venu vous proposer, jeunes d’Afrique, non de ressasser ensemble le passé mais d’en tirer ensemble les leçons afin de regarder ensemble l’avenir.
Je suis venu, jeunes d’Afrique, regarder en face avec vous notre histoire commune.
L’Afrique a sa part de responsabilité dans son propre malheur. On s’est entretué en Afrique au moins autant qu’en Europe. Mais il est vrai que jadis, les Européens sont venus en Afrique en conquérants. Ils ont pris la terre de vos ancêtres. Ils ont banni les dieux, les langues, les croyances, les coutumes de vos pères. Ils ont dit à vos pères ce qu’ils devaient penser, ce qu’ils devaient croire, ce qu’ils devaient faire. Ils ont coupé vos pères de leur passé, ils leur ont arraché leur âme et leurs racines. Ils ont désenchanté l’Afrique.
Ils ont eu tort.
Ils n’ont pas vu la profondeur et la richesse de l’âme africaine. Ils ont cru qu’ils étaient supérieurs, qu’ils étaient plus avancés, qu’ils étaient le progrès, qu’ils étaient la civilisation.
Ils ont eu tort.
Ils ont voulu convertir l’homme africain, ils ont voulu le façonner à leur image, ils ont cru qu’ils avaient tous les droits, ils ont cru qu’ils étaient tout puissants, plus puissants que les dieux de l’Afrique, plus puissants que l’âme africaine, plus puissants que les liens sacrés que les hommes avaient tissés patiemment pendant des millénaires avec le ciel et la terre d’Afrique, plus puissants que les mystères qui venaient du fond des âges.
Ils ont eu tort.
Ils ont abîmé un art de vivre. Ils ont abîmé un imaginaire merveilleux. Ils ont abîmé une sagesse ancestrale.
Ils ont eu tort.
Ils ont créé une angoisse, un mal de vivre. Ils ont nourri la haine. Ils ont rendu plus difficile l’ouverture aux autres, l’échange, le partage parce que pour s’ouvrir, pour échanger, pour partager, il faut être assuré de son identité, de ses valeurs, de ses convictions. Face au colonisateur, le colonisé avait fini par ne plus avoir confiance en lui, par ne plus savoir qui il était, par se laisser gagner par la peur de l’autre, par la crainte de l’avenir.
Le colonisateur est venu, il a pris, il s’est servi, il a exploité, il a pillé des ressources, des richesses qui ne lui appartenaient pas. Il a dépouillé le colonisé de sa personnalité, de sa liberté, de sa terre, du fruit de son travail.
Il a pris mais je veux dire avec respect qu’il a aussi donné. Il a construit des ponts, des routes, des hôpitaux, des dispensaires, des écoles. Il a rendu féconde des terres vierges, il a donné sa peine, son travail, son savoir. Je veux le dire ici, tous les colons n’étaient pas des voleurs, tous les colons n’étaient pas des exploiteurs.
Il y avait parmi eux des hommes mauvais mais il y avait aussi des hommes de bonne volonté, des hommes qui croyaient remplir une mission civilisatrice, des hommes qui croyaient faire le bien. Ils se trompaient mais certains étaient sincères. Ils croyaient donner la liberté, ils créaient l’aliénation. Ils croyaient briser les chaînes de l’obscurantisme, de la superstition, de la servitude. Ils forgeaient des chaînes bien plus lourdes, ils imposaient une servitude plus pesante, car c’étaient les esprits, c’étaient les âmes qui étaient asservis. Ils croyaient donner l’amour sans voir qu’ils semaient la révolte et la haine.
La colonisation n’est pas responsable de toutes les difficultés actuelles de l’Afrique. Elle n’est pas responsable des guerres sanglantes que se font les Africains entre eux. Elle n’est pas responsable des génocides. Elle n’est pas responsable des dictateurs. Elle n’est pas responsable du fanatisme. Elle n’est pas responsable de la corruption, de la prévarication. Elle n’est pas responsable des gaspillages et de la pollution.
Mais la colonisation fut une grande faute qui fut payée par l’amertume et la souffrance de ceux qui avaient cru tout donner et qui ne comprenaient pas pourquoi on leur en voulait autant.
La colonisation fut une grande faute qui détruisit chez le colonisé l’estime de soi et fit naître dans son cœur cette haine de soi qui débouche toujours sur la haine des autres.
La colonisation fut une grande faute mais de cette grande faute est né l’embryon d’une destinée commune. Et cette idée me tient particulièrement à cœur.
La colonisation fut une faute qui a changé le destin de l’Europe et le destin de l’Afrique et qui les a mêlés. Et ce destin commun a été scellé par le sang des Africains qui sont venus mourir dans les guerres européennes.
Et la France n’oublie pas ce sang africain versé pour sa liberté.
Nul ne peut faire comme si rien n’était arrivé.
Nul ne peut faire comme si cette faute n’avait pas été commise.
Nul ne peut faire comme si cette histoire n’avait pas eu lieu.
Pour le meilleur comme pour le pire, la colonisation a transformé l’homme africain et l’homme européen.
Jeunes d’Afrique, vous êtes les héritiers des plus vieilles traditions africaines et vous êtes les héritiers de tout ce que l’Occident a déposé dans le cœur et dans l’âme de l’Afrique.
Jeunes d’Afrique, la civilisation européenne a eu tort de se croire supérieure à celle de vos ancêtres, mais désormais la civilisation européenne vous appartient aussi.
Jeunes d’Afrique, ne cédez pas à la tentation de la pureté parce qu’elle est une maladie, une maladie de l’intelligence, et qui est ce qu’il y a de plus dangereux au monde.
Jeunes d’Afrique, ne vous coupez pas de ce qui vous enrichit, ne vous amputez pas d’une part de vous-même. La pureté est un enfermement, la pureté est une intolérance. La pureté est un fantasme qui conduit au fanatisme.
Je veux vous dire, jeunes d’Afrique, que le drame de l’Afrique n’est pas dans une prétendue infériorité de son art, sa pensée, de sa culture. Car, pour ce qui est de l’art, de la pensée et de la culture, c’est l’Occident qui s’est mis à l’école de l’Afrique.
L’art moderne doit presque tout à l’Afrique. L’influence de l’Afrique a contribué à changer non seulement l’idée de la beauté, non seulement le sens du rythme, de la musique, de la danse, mais même dit Senghor, la manière de marcher ou de rire du monde du XXème siècle.
Je veux donc dire, à la jeunesse d’Afrique, que le drame de l’Afrique ne vient pas de ce que l’âme africaine serait imperméable à la logique et à la raison. Car l’homme africain est aussi logique et raisonnable que l’homme européen.
C’est en puisant dans l’imaginaire africain que vous ont légué vos ancêtres, c’est en puisant dans les contes, dans les proverbes, dans les mythologies, dans les rites, dans ces formes qui, depuis l’aube des temps, se transmettent et s’enrichissent de génération en génération que vous trouverez l’imagination et la force de vous inventer un avenir qui vous soit propre, un avenir singulier qui ne ressemblera à aucun autre, où vous vous sentirez enfin libres, libres, jeunes d’Afrique d’être vous-mêmes, libre de décider par vous-mêmes.
Je suis venu vous dire que vous n’avez pas à avoir honte des valeurs de la civilisation africaine, qu’elles ne vous tirent pas vers le bas mais vers le haut, qu’elles sont un antidote au matérialisme et à l’individualisme qui asservissent l’homme moderne, qu’elles sont le plus précieux des héritages face à la déshumanisation et à l’aplatissement du monde.
Je suis venu vous dire que l’homme moderne qui éprouve le besoin de se réconcilier avec la nature a beaucoup à apprendre de l’homme africain qui vit en symbiose avec la nature depuis des millénaires.
Je suis venu vous dire que cette déchirure entre ces deux parts de vous-mêmes est votre plus grande force, et votre plus grande faiblesse selon que vous vous efforcerez ou non d’en faire la synthèse.
Mais je suis aussi venu vous dire qu’il y a en vous, jeunes d’Afrique, deux héritages, deux sagesses, deux traditions qui se sont longtemps combattues : celle de l’Afrique et celle de l’Europe.
Je suis venu vous dire que cette part africaine et cette part européenne de vous-mêmes forment votre identité déchirée.
Je ne suis pas venu, jeunes d’Afrique, vous donner des leçons.
Je ne suis pas venu vous faire la morale.
Mais je suis venu vous dire que la part d’Europe qui est en vous est le fruit d’un grand péché d’orgueil de l’Occident mais que cette part d’Europe en vous n’est pas indigne.
Car elle est l’appel de la liberté, de l’émancipation et de la justice et de l’égalité entre les femmes et les hommes.
Car elle est l’appel à la raison et à la conscience universelles.
Le drame de l’Afrique, c’est que l’homme africain n’est pas assez entré dans l’histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l’idéal de vie est d’être en harmonie avec la nature, ne connaît que l’éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.
Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n’y a de place ni pour l’aventure humaine, ni pour l’idée de progrès.
Dans cet univers où la nature commande tout, l’homme échappe à l’angoisse de l’histoire qui tenaille l’homme moderne mais l’homme reste immobile au milieu d’un ordre immuable ou tout semble être écrit d’avance.
Jamais l’homme ne s’élance vers l’avenir. Jamais il ne lui vient à l’idée de sortir de la répétition pour s’inventer un destin.
Le problème de l’Afrique et permettez à un ami de l’Afrique de le dire, il est là. Le défi de l’Afrique, c’est d’entrer davantage dans l’histoire. C’est de puiser en elle l’énergie, la force, l’envie, la volonté d’écouter et d’épouser sa propre histoire.
Le problème de l’Afrique, c’est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l’éternel retour, c’est de prendre conscience que l’âge d’or qu’elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas pour la raison qu’il n’a jamais existé.
Le problème de l’Afrique, c’est qu’elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l’enfance.
Le problème de l’Afrique, c’est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter.
Le problème de l’Afrique, ce n’est pas de s’inventer un passé plus ou moins mythique pour s’aider à supporter le présent mais de s’inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres.
Le problème de l’Afrique, ce n’est pas de se préparer au retour du malheur, comme si celui-ci devait indéfiniment se répéter, mais de vouloir se donner les moyens de conjurer le malheur, car l’Afrique a le droit au bonheur comme tous les autres continents du monde.
Le problème de l’Afrique, c’est de rester fidèle à elle-même sans rester immobile.
Le défi de l’Afrique, c’est d’apprendre à regarder son accession à l’universel non comme un reniement de ce qu’elle est mais comme un accomplissement.
Le défi de l’Afrique, c’est d’apprendre à se sentir l’héritière de tout ce qu’il y a d’universel dans toutes les civilisations humaines.
C’est de s’approprier les droits de l’homme, la démocratie, la liberté, l’égalité, la justice comme l’héritage commun de toutes les civilisations et de tous les hommes.
C’est de s’approprier la science et la technique modernes comme le produit de toute l’intelligence humaine.
Le défi de l’Afrique est celui de toutes les civilisations, de toutes les cultures, de tous les peuples qui veulent garder leur identité sans s’enfermer parce qu’ils savent que l’enfermement est mortel.
Les civilisations sont grandes à la mesure de leur participation au grand métissage de l’esprit humain.
La faiblesse de l’Afrique qui a connu sur son sol tant de civilisations brillantes, ce fut longtemps de ne pas participer assez à ce grand métissage. Elle a payé cher, l’Afrique, ce désengagement du monde qui l’a rendue si vulnérable. Mais, de ses malheurs, l’Afrique a tiré une force nouvelle en se métissant à son tour. Ce métissage, quelles que fussent les conditions douloureuses de son avènement, est la vraie force et la vraie chance de l’Afrique au moment où émerge la première civilisation mondiale.
La civilisation musulmane, la chrétienté, la colonisation, au-delà des crimes et des fautes qui furent commises en leur nom et qui ne sont pas excusables, ont ouvert les cœurs et les mentalités africaines à l’universel et à l’histoire.
Ne vous laissez pas, jeunes d’Afrique, voler votre avenir par ceux qui ne savent opposer à l’intolérance que l’intolérance, au racisme que le racisme.
Ne vous laissez pas, jeunes d’Afrique, voler votre avenir par ceux qui veulent vous exproprier d’une histoire qui vous appartient aussi parce qu’elle fut l’histoire douloureuse de vos parents, de vos grands-parents et de vos aïeux.
N’écoutez pas, jeunes d’Afrique, ceux qui veulent faire sortir l’Afrique de l’histoire au nom de la tradition parce qu’une Afrique ou plus rien ne changerait serait de nouveau condamnée à la servitude.
N’écoutez pas, jeunes d’Afrique, ceux qui veulent vous empêcher de prendre votre part dans l’aventure humaine, parce que sans vous, jeunes d’Afrique qui êtes la jeunesse du monde, l’aventure humaine sera moins belle.
N’écoutez pas jeunes d’Afrique, ceux qui veulent vous déraciner, vous priver de votre identité, faire table rase de tout ce qui est africain, de toute la mystique, la religiosité, la sensibilité, la mentalité africaine, parce que pour échanger il faut avoir quelque chose à donner, parce que pour parler aux autres, il faut avoir quelque chose à leur dire.
Ecoutez plutôt, jeunes d’Afrique, la grande voix du Président Senghor qui chercha toute sa vie à réconcilier les héritages et les cultures au croisement desquels les hasards et les tragédies de l’histoire avaient placé l’Afrique.
Il disait, lui l’enfant de Joal, qui avait été bercé par les rhapsodies des griots, il disait : « nous sommes des métis culturels, et si nous sentons en nègres, nous nous exprimons en français, parce que le français est une langue à vocation universelle, que notre message s’adresse aussi aux Français et aux autres hommes ».
Il disait aussi : « le français nous a fait don de ses mots abstraits -si rares dans nos langues maternelles. Chez nous les mots sont naturellement nimbés d’un halo de sève et de sang ; les mots du français eux rayonnent de mille feux, comme des diamants. Des fusées qui éclairent notre nuit ».
Ainsi parlait Léopold Senghor qui fait honneur à tout ce que l’humanité comprend d’intelligence. Ce grand poète et ce grand Africain voulait que l’Afrique se mit à parler à toute l’humanité et lui écrivait en français des poèmes pour tous les hommes.
Ces poèmes étaient des chants qui parlaient, à tous les hommes, d’êtres fabuleux qui gardent des fontaines, chantent dans les rivières et qui se cachent dans les arbres.
Des poèmes qui leur faisaient entendre les voix des morts du village et des ancêtres.
Des poèmes qui faisaient traverser des forêts de symboles et remonter jusqu’aux sources de la mémoire ancestrale que chaque peuple garde au fond de sa conscience comme l’adulte garde au fond de la sienne le souvenir du bonheur de l’enfance.
Car chaque peuple a connu ce temps de l’éternel présent, où il cherchait non à dominer l’univers mais à vivre en harmonie avec l’univers. Temps de la sensation, de l’instinct, de l’intuition. Temps du mystère et de l’initiation. Temps mystique ou le sacré était partout, où tout était signes et correspondances. C’est le temps des magiciens, des sorciers et des chamanes. Le temps de la parole qui était grande, parce qu’elle se respecte et se répète de génération en génération, et transmet, de siècle en siècle, des légendes aussi anciennes que les dieux.
L’Afrique a fait se ressouvenir à tous les peuples de la terre qu’ils avaient partagé la même enfance. L’Afrique en a réveillé les joies simples, les bonheurs éphémères et ce besoin, ce besoin auquel je crois moi-même tant, ce besoin de croire plutôt que de comprendre, ce besoin de ressentir plutôt que de raisonner, ce besoin d’être en harmonie plutôt que d’être en conquête.
Ceux qui jugent la culture africaine arriérée, ceux qui tiennent les Africains pour de grands enfants, tous ceux-là ont oublié que la Grèce antique qui nous a tant appris sur l’usage de la raison avait aussi ses sorciers, ses devins, ses cultes à mystères, ses sociétés secrètes, ses bois sacrés et sa mythologie qui venait du fond des âges et dans laquelle nous puisons encore, aujourd’hui, un inestimable trésor de sagesse humaine.
L’Afrique qui a aussi ses grands poèmes dramatiques et ses légendes tragiques, en écoutant Sophocle, a entendu une voix plus familière qu’elle ne l’aurait crû et l’Occident a reconnu dans l’art africain des formes de beauté qui avaient jadis été les siennes et qu’il éprouvait le besoin de ressusciter.
Alors entendez, jeunes d’Afrique, combien Rimbaud est africain quand il met des couleurs sur les voyelles comme tes ancêtres en mettaient sur leurs masques, « masque noir, masque rouge, masque blanc–et-noir ».
Ouvrez les yeux, jeunes d’Afrique, et ne regardez plus, comme l’ont fait trop souvent vos aînés, la civilisation mondiale comme une menace pour votre identité mais la civilisation mondiale comme quelque chose qui vous appartient aussi.
Dès lors que vous reconnaîtrez dans la sagesse universelle une part de la sagesse que vous tenez de vos pères et que vous aurez la volonté de la faire fructifier, alors commencera ce que j’appelle de mes vœux, la Renaissance africaine.
Dès lors que vous proclamerez que l’homme africain n’est pas voué à un destin qui serait fatalement tragique et que, partout en Afrique, il ne saurait y avoir d’autre but que le bonheur, alors commencera la Renaissance africaine.
Dès lors que vous, jeunes d’Afrique, vous déclarerez qu’il ne saurait y avoir d’autres finalités pour une politique africaine que l’unité de l’Afrique et l’unité du genre humain, alors commencera la Renaissance africaine.
Dès lors que vous regarderez bien en face la réalité de l’Afrique et que vous la prendrez à bras le corps, alors commencera la Renaissance africaine. Car le problème de l’Afrique, c’est qu’elle est devenue un mythe que chacun reconstruit pour les besoins de sa cause.
Et ce mythe empêche de regarder en face la réalité de l’Afrique.
La réalité de l’Afrique, c’est une démographie trop forte pour une croissance économique trop faible.
La réalité de l’Afrique, c’est encore trop de famine, trop de misère.
La réalité de l’Afrique, c’est la rareté qui suscite la violence.
La réalité de l’Afrique, c’est le développement qui ne va pas assez vite, c’est l’agriculture qui ne produit pas assez, c’est le manque de routes, c’est le manque d’écoles, c’est le manque d’hôpitaux.
La réalité de l’Afrique, c’est un grand gaspillage d’énergie, de courage, de talents, d’intelligence.
La réalité de l’Afrique, c’est celle d’un grand continent qui a tout pour réussir et qui ne réussit pas parce qu’il n’arrive pas à se libérer de ses mythes.
La Renaissance dont l’Afrique a besoin, vous seuls, Jeunes d’Afrique, vous pouvez l’accomplir parce que vous seuls en aurez la force.
Cette Renaissance, je suis venu vous la proposer. Je suis venu vous la proposer pour que nous l’accomplissions ensemble parce que de la Renaissance de l’Afrique dépend pour une large part la Renaissance de l’Europe et la Renaissance du monde.
Je sais l’envie de partir qu’éprouvent un si grand nombre d’entre vous confrontés aux difficultés de l’Afrique.
Je sais la tentation de l’exil qui pousse tant de jeunes Africains à aller chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas ici pour faire vivre leur famille.
Je sais ce qu’il faut de volonté, ce qu’il faut de courage pour tenter cette aventure, pour quitter sa patrie, la terre où l’on est né, où l’on a grandi, pour laisser derrière soi les lieux familiers où l’on a été heureux, l’amour d’une mère, d’un père ou d’un frère et cette solidarité, cette chaleur, cet esprit communautaire qui sont si forts en Afrique.
Je sais ce qu’il faut de force d’âme pour affronter le dépaysement, l’éloignement, la solitude.
Je sais ce que la plupart d’entre eux doivent affronter comme épreuves, comme difficultés, comme risques.
Je sais qu’ils iront parfois jusqu’à risquer leur vie pour aller jusqu’au bout de ce qu’ils croient être leur rêve.
Mais je sais que rien ne les retiendra.
Car rien ne retient jamais la jeunesse quand elle se croit portée par ses rêves.
Je ne crois pas que la jeunesse africaine ne soit poussée à partir que pour fuir la misère.
Je crois que la jeunesse africaine s’en va parce que, comme toutes les jeunesses, elle veut conquérir le monde.
Comme toutes les jeunesses, elle a le goût de l’aventure et du grand large.
Elle veut aller voir comment on vit, comment on pense, comment on travaille, comment on étudie ailleurs.
L’Afrique n’accomplira pas sa Renaissance en coupant les ailes de sa jeunesse. Mais l’Afrique a besoin de sa jeunesse.
La Renaissance de l’Afrique commencera en apprenant à la jeunesse africaine à vivre avec le monde, non à le refuser.
La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que le monde lui appartient comme à toutes les jeunesses de la terre.
La jeunesse africaine doit avoir le sentiment que tout deviendra possible comme tout semblait possible aux hommes de la Renaissance.
Alors, je sais bien que la jeunesse africaine, ne doit pas être la seule jeunesse du monde assignée à résidence. Elle ne peut pas être la seule jeunesse du monde qui n’a le choix qu’entre la clandestinité et le repliement sur soi.
Elle doit pouvoir acquérir, hors, d’Afrique la compétence et le savoir qu’elle ne trouverait pas chez elle.
Mais elle doit aussi à la terre africaine de mettre à son service les talents qu’elle aura développés. Il faut revenir bâtir l’Afrique ; il faut lui apporter le savoir, la compétence le dynamisme de ses cadres. Il faut mettre un terme au pillage des élites africaines dont l’Afrique a besoin pour se développer.
Ce que veut la jeunesse africaine c’est de ne pas être à la merci des passeurs sans scrupules qui jouent avec votre vie.
Ce que veut la jeunesse d’Afrique, c’est que sa dignité soit préservée.
C’est pouvoir faire des études, c’est pouvoir travailler, c’est pouvoir vivre décemment. C’est au fond, ce que veut toute l’Afrique. L’Afrique ne veut pas de la charité. L’Afrique ne veut pas d’aide. L’Afrique ne veut pas de passe-droit.
Ce que veut l’Afrique et ce qu’il faut lui donner, c’est la solidarité, la compréhension et le respect.
Ce que veut l’Afrique, ce n’est pas que l’on prenne son avenir en main, ce n’est pas que l’on pense à sa place, ce n’est pas que l’on décide à sa place.
Ce que veut l’Afrique est ce que veut la France, c’est la coopération, c’est l’association, c’est le partenariat entre des nations égales en droits et en devoirs.
Jeunesse africaine, vous voulez la démocratie, vous voulez la liberté, vous voulez la justice, vous voulez le Droit ? C’est à vous d’en décider. La France ne décidera pas à votre place. Mais si vous choisissez la démocratie, la liberté, la justice et le Droit, alors la France s’associera à vous pour les construire.
Jeunes d’Afrique, la mondialisation telle qu’elle se fait ne vous plaît pas. L’Afrique a payé trop cher le mirage du collectivisme et du progressisme pour céder à celui du laisser-faire.
Jeunes d’Afrique vous croyez que le libre échange est bénéfique mais que ce n’est pas une religion. Vous croyez que la concurrence est un moyen mais que ce n’est pas une fin en soi. Vous ne croyez pas au laisser-faire. Vous savez qu’à être trop naïve, l’Afrique serait condamnée à devenir la proie des prédateurs du monde entier. Et cela vous ne le voulez pas. Vous voulez une autre mondialisation, avec plus d’humanité, avec plus de justice, avec plus de règles.
Je suis venu vous dire que la France la veut aussi. Elle veut se battre avec l’Europe, elle veut se battre avec l’Afrique, elle veut se battre avec tous ceux, qui dans le monde, veulent changer la mondialisation. Si l’Afrique, la France et l’Europe le veulent ensemble, alors nous réussirons. Mais nous ne pouvons pas exprimer une volonté votre place.
Jeunes d’Afrique, vous voulez le développement, vous voulez la croissance, vous voulez la hausse du niveau de vie.
Mais le voulez-vous vraiment ? Voulez-vous que cesse l’arbitraire, la corruption, la violence ? Voulez-vous que la propriété soit respectée, que l’argent soit investi au lieu d’être détourné ? Voulez-vous que l’État se remette à faire son métier, qu’il soit allégé des bureaucraties qui l’étouffent, qu’il soit libéré du parasitisme, du clientélisme, que son autorité soit restaurée, qu’il domine les féodalités, qu’il domine les corporatismes ? Voulez-vous que partout règne l’État de droit qui permet à chacun de savoir raisonnablement ce qu’il peut attendre des autres ?
Si vous le voulez, alors la France sera à vos côtés pour l’exiger, mais personne ne le voudra à votre place.
Voulez-vous qu’il n’y ait plus de famine sur la terre africaine ? Voulez-vous que, sur la terre africaine, il n’y ait plus jamais un seul enfant qui meure de faim ? Alors cherchez l’autosuffisance alimentaire. Alors développez les cultures vivrières. L’Afrique a d’abord besoin de produire pour se nourrir. Si c’est ce que vous voulez, jeunes d’Afrique, vous tenez entre vos mains l’avenir de l’Afrique, et la France travaillera avec vous pour bâtir cet avenir.
Vous voulez lutter contre la pollution ? Vous voulez que le développement soit durable ? Vous voulez que les générations actuelles ne vivent plus au détriment des générations futures ? Vous voulez que chacun paye le véritable coût de ce qu’il consomme ? Vous voulez développer les technologies propres ? C’est à vous de le décider. Mais si vous le décidez, la France sera à vos côtés.
Vous voulez la paix sur le continent africain ? Vous voulez la sécurité collective ? Vous voulez le règlement pacifique des conflits ? Vous voulez mettre fin au cycle infernal de la vengeance et de la haine ? C’est à vous, mes amis africains, de le décider . Et si vous le décidez, la France sera à vos côtés, comme une amie indéfectible, mais la France ne peut pas vouloir à la place de la jeunesse d’Afrique.
Vous voulez l’unité africaine ? La France le souhaite aussi.
Parce que la France souhaite l’unité de l’Afrique, car l’unité de l’Afrique rendra l’Afrique aux Africains.
Ce que veut faire la France avec l’Afrique, c’est regarder en face les réalités. C’est faire la politique des réalités et non plus la politique des mythes.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est le co-développement, c’est-à-dire le développement partagé.
La France veut avec l’Afrique des projets communs, des pôles de compétitivité communs, des universités communes, des laboratoires communs.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est élaborer une stratégie commune dans la mondialisation.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une politique d’immigration négociée ensemble, décidée ensemble pour que la jeunesse africaine puisse être accueillie en France et dans toute l’Europe avec dignité et avec respect.
Ce que la France veut faire avec l’Afrique, c’est une alliance de la jeunesse française et de la jeunesse africaine pour que le monde de demain soit un monde meilleur.
Ce que veut faire la France avec l’Afrique, c’est préparer l’avènement de l’Eurafrique, ce grand destin commun qui attend l’Europe et l’Afrique.
A ceux qui, en Afrique, regardent avec méfiance ce grand projet de l’Union Méditerranéenne que la France a proposé à tous les pays riverains de la Méditerranée, je veux dire que, dans l’esprit de la France, il ne s’agit nullement de mettre à l’écart l’Afrique, qui s’étend au sud du Sahara mais, qu’au contraire, il s’agit de faire de cette Union le pivot de l’Eurafrique, la première étape du plus grand rêve de paix et de prospérité qu’Européens et Africains sont capables de concevoir ensemble.
Alors, mes chers Amis, alors seulement, l’enfant noir de Camara Laye, à genoux dans le silence de la nuit africaine, saura et comprendra qu’il peut lever la tête et regarder avec confiance l’avenir. Et cet enfant noir de Camara Laye, il sentira réconciliées en lui les deux parts de lui-même. Et il se sentira enfin un homme comme tous les autres hommes de l’humanité.
Je vous remercie.
Ladies and Gentlemen,
Let me first thank the Government and people of Senegal for their warm welcome. Let me thank the University of Dakar, which allows me first to address the elite of African youth as President of French Republic.
I am here to speak with frankness and sincerity that we owe to friends that we love and we respect that. I love Africa, I respect and love Africans.
Between Senegal and France, history has forged bonds of friendship that no one can undo. This friendship is strong and sincere. That's why I wanted to address, in Dakar, the fraternal hello from France to the whole of Africa.
I want this evening to speak to all Africans who are so different from each other, not the same language, not the same religion, who have different customs that have a different culture, not the same story and yet recognize each other as Africans. Therein lies the first mystery of Africa.
Yes, I want to speak to all the inhabitants of this continent ravaged, and in particular to young people, you who fought so hard against each other and often hated, sometimes you fight and you hate but still But that you recognize as brothers, brothers in suffering, brothers in humiliation, brothers in revolt, brothers in hope, brothers in the sense that you have a common destiny, brothers through this mysterious faith which you relates to the African soil, a faith that is passed from generation to generation and that exile itself can not erase.
I have not come, African youth, to mourn with you over the misfortunes of Africa. Because Africa does not need my tears.
I have not come, African youth, to feel sorry for your fate because your fate is in your hands first. What would you do, proud of my African youth pity?
I have not come to erase the past because the past is not erased.
I have not come to deny the sins or crimes because there were mistakes and there were crimes.
There was the slave trade, there was slavery, men, women, children bought and sold like commodities. And this crime was not only a crime against Africans, it was a crime against man, it was a crime against humanity.
And the black man who ever "intends to hold up the curses chained, hiccups or dying, the sound of one of them thrown into the sea." This black man who can not help but repeat itself endlessly "And this country cried for centuries that we are beasts." This black man, I want to say here in Dakar, has the face of all men in the world.
This suffering of the black man, I do not mean the man in the sense of sex, I mean the man in the sense of being human and of course the woman and man in its general acceptance. This suffering of the black man is the suffering of all men. This open wound in the soul of the black man is an open wound in the souls of all men.
But no one can claim to today's generations to expiate the crime committed by past generations. No one can ask the son to repent the sins of their fathers.
African youth, I am not here to talk about repentance. I'm here to tell you that I feel the slave trade and slavery as crimes against humanity. I'm here to tell you that your pain and your tears are ours and are therefore mine.
I am here to propose to look together, Africans and French, beyond the tear and beyond this pain.
I am here to propose youth of Africa, not to forget the tears and suffering that can not be forgotten, but to exceed them.
I am here to propose youth of Africa, not to rehash all the past but to draw together the lessons to watch the future together.
I came, African youth, confront you with our common history.
Africa has its share of responsibility for his own misfortune. It was entretuer in Africa as much as in Europe. But it is true that once the Europeans came to Africa as conquerors. They took the land of your ancestors. They have banished the gods, languages, beliefs and customs of your fathers. They said your fathers what to think, what they should believe, what they should do. They cut your fathers of their past, they have deprived of their soul and roots. They were disenchanted Africa.
They were wrong.
They have not seen the depth and richness of the African soul. They believed they were superior, they were more advanced, they were progress, that they were civilization.
They were wrong.
They wanted to convert the African people, they wanted to shape their image, they believed they had all the rights they thought they were all powerful, more powerful than the gods of Africa, more powerful than the African soul, more powerful than the sacred ties that men had patiently woven for millennia with heaven and earth of Africa, more powerful than the mysteries which were from time immemorial.
They were wrong.
They damaged a lifestyle. They have ruined a wonderful imagination. They damaged an ancient wisdom.
They were wrong.
They created an anxiety, a lot of living. They fed hatred. They have made it harder to openness to others, sharing, sharing because to open up, to exchange, to share, you must be sure of its identity, its values and beliefs. Faced with the colonizer, the colonized had ended up not having confidence in him, by not knowing who he was, is swayed by the fear of others, for fear of the future.
The colonizers came, he took, he served, he operated, he plundered resources, wealth does not belong to him. He stripped the colonized of his personality, his liberty, his land, the fruits of his labor.
It took but I want to say with respect that he also gave. He built bridges, roads, hospitals, clinics, schools. He made fertile virgin land, he gave his sentence, his work, his knowledge. I want to say here, all the settlers were not thieves, all the settlers were not exploiters.
There were bad men among them but there were also men of good will, men who believed a mission of civilization, men who thought they were doing well. They were wrong, but some were sincere. They believed liberty to give, they created alienation. They thought breaking the chains of obscurantism, superstition and servitude. They forged chains much heavier, they imposed a heavier servitude because they were the spirits were the souls who were enslaved. They believed give love without seeing that they were spreading hatred and rebellion.
Colonisation is not responsible for all the current problems of Africa. She is not responsible for the bloody wars that Africans are among them. She is not responsible for genocide. She is not responsible for dictators. She is not responsible for fanaticism. She is not responsible for corruption, prevarication. She is not responsible for wastage and pollution.
But colonization was a big mistake that was paid by the bitterness and suffering of those who had thought to give everything and do not understand why we wanted them all.
Colonization was a great mistake that destroyed the colonized self-esteem and gave birth in his heart that self-hatred that always leads to hatred of others.
Colonization was a big mistake but great fault of this was born the embryo of a common destiny. And this idea dear to my heart.
Colonization was a mistake that changed the destiny of Europe and the fate of Africa and who has mingled. And this common destiny was sealed by the blood of Africans who came to die in European wars.
And France does not forget that African blood shed for freedom.
No one can pretend that nothing had happened.
No one can pretend that this mistake had not occurred.
No one can pretend that this story had not occurred.
For better or for worse, the settlement has transformed the African and European.
Youth of Africa, you are heirs of the old African traditions and you are the heirs of all that the West has placed in the heart and soul of Africa.
Young African, European civilization was wrong to believe than that of your ancestors, but now the European civilization is yours too.
African youth do not succumb to the temptation of purity because it is a disease, a disease of the mind, and that is what is most dangerous in the world.
African youth, do not cut that enriches you, do not amputate a part of yourself. Purity is a lockdown, purity is an intolerance. The purity is a fantasy that leads to fanaticism.
I want to tell you, youth of Africa, the tragedy of Africa is not in an alleged inferiority of its art, its thought, its culture. For, in terms of art, thought and culture, is the West that began at school in Africa.
Modern art owes almost everything to Africa. The influence of Africa has helped to change not only the idea of beauty, not only a sense of rhythm, music, dance, but even said Senghor, how to walk or laugh at the world of twentieth century.
So I want to say to the youth of Africa, the tragedy of Africa does not come from what would be the African soul impervious to logic and reason. Because the African is as logical and reasonable that the European man.
Dipping into the African imagination that you have left your ancestors, drawing on stories, in proverbs, in the mythologies, rites, in which these forms since the dawn of time, are transmitted and enriched from generation to generation you will find the imagination and the strength to invent a future that you own, singular future will be like no other, where you finally feel free, free, young d Africa to be yourself, free to decide for yourself.
I'm here to tell you that you do not have to be ashamed of the values of African civilization, they pull you down but not up, they are an antidote to the materialism and individualism enslave the modern man, they are the most precious legacies face of dehumanization and the flattening of the world.
I am here to say that modern man who feels the need to reconcile with nature has much to learn from the African man living in harmony with nature for millennia.
I am here to say that this rift between these two parts of yourself is your greatest strength and your greatest weakness, depending on whether or not you strive to do the synthesis.
But I'm also here to tell you that there is in you, young people from Africa, two legacies, two wisdoms, two traditions that have long resisted: that of Africa and of Europe.
I'm here to tell you that this part African and European share yourself form your identity torn.
I have not come, African youth, you teach.
I do not come here to lecture.
But I'm here to tell you that part of Europe that is in you is the result of a great sin of pride of the West but that this part of Europe you are not unworthy.
Because it is the call of freedom, empowerment and justice and equality between women and men.
Because it is the appeal to reason and universal consciousness.
The tragedy of Africa is that the African man has never really entered history. The African peasant, who for thousands of years, lives with the seasons, whose ideal of life is to be in harmony with nature, knows only the eternal cycle of time punctuated by the endless repetition of the same gestures and same words.
In this imaginary world where everything starts always, there is no place for human adventure nor for the idea of progress.
In this universe where nature commands all, man escapes the anguish of history that torments modern man but the man remains motionless in the middle of an immutable order where everything seems to be predetermined.
Man never soars into the future. He never comes to mind out of rehearsal to invent a destiny.
The problem in Africa and allow a friend of Africa to say, it's there. The challenge for Africa is to go into more history. Is to tap into her energy, strength, desire, willingness to listen and to espouse its own history.
The problem with Africa is to stop always repeating, always to dwell, to free themselves from the myth of eternal return, is to realize that the golden age that continues to sorry, will not return for the reason that he never existed.
The problem with Africa is that she too saw this in nostalgia for the lost paradise of childhood.
The problem with Africa is that too often it considers this as compared to pure origins totally imaginary and that no one can hope to resuscitate.
The problem of Africa, not to invent a more or less mythical help to support this but to invent a future with the means of its own.
The problem of Africa, not to prepare for the return of misfortune, as if it were to be repeated indefinitely, but to try to find ways to avert misfortune, because Africa has the right to happiness like all the other continents of the world.
The problem with Africa is to remain true to itself without standing still.
The challenge for Africa is to learn to watch his accession to the universal not as a denial of what it is but as an achievement.
The challenge for Africa is to learn to feel the heir to everything he yad'universel in all human civilizations.
It is appropriate the human rights, democracy, freedom, equality, justice as the common heritage of all civilizations and all men.
Is to appropriate modern science and technology as the product of any human intelligence.
The challenge for Africa is that of all civilizations, all cultures, all people who want to keep their identity without shut themselves because they know that the confinement is mortal.
Civilizations are great to the extent of their participation in the great mix of the human spirit.
The weakness of Africa that has experienced on its soil so brilliant civilizations, it was not long enough to attend this great blend. She has paid dearly, Africa, the disengagement of the world that made it so vulnerable. But its woes, Africa has drawn new strength by blending in turn. This fusion, whatever the painful conditions of his coming, is the real strength and real opportunity for Africa to emerge when the first global civilization.
Islamic civilization, Christianity, colonization, beyond the crimes and sins that were committed in their name and are not excusable, have opened their hearts and minds to the universal and African history.
Do not let young African, stealing your future by those who do oppose the intolerance of intolerance, racism as racism.
Do not let young African, stealing your future by those who want to expropriate a history that belongs to you also because it was the painful history of your parents, your grandparents and your ancestors.
Do not listen, young people in Africa, those who want to lift Africa out of history in the name of tradition or because an African nothing would change again condemned to servitude.
Do not listen, young people in Africa, those who want to prevent you from taking your part in the human adventure, because without you, young people in Africa who are the youth of the world, the human adventure will be less beautiful.
Do not listen to young people in Africa, those who want to uproot them, depriving you of your identity, to obliterate everything that is African, from all mysticism, religiosity, the sensitivity, the African mentality, because for exchange it must have something to give, because to talk to others, it must have something to say.
Listen to this, youth of Africa, the great voice of President Senghor, who sought all his life to reconcile the legacies and cultures at the crossroads where the accidents and tragedies of history had placed Africa.
He told him the child of Joal, which was rocked by the rhapsodies of the griots, he said: "We are of mixed cultural, and if we feel negroes, we speak French, because French is a language universal vocation, that our message is also the French and the other men. "
He also said: "The French gave us the gift of his abstract words-so rare in our mother tongues. In our words are naturally suffused with an aura of sap and blood, the words of the French themselves a thousand lights shine like diamonds. Flares that illuminate our night. "
Thus Spake Leopold Senghor, who brought honor to all that humanity has intelligence. This great poet and the great African meant that Africa began to speak to all mankind and he wrote poems in French for all men.
These poems were songs that spoke to all men, fabulous beings who keep the fountains, singing in the rivers and hiding in the trees.
Poems that made them hear the voices of the dead and the ancestors of the village.
Poems that were through forests of symbols and back to the source of ancestral memory that each people to the depths of his consciousness as the adult remains in the depths of his memories of childhood happiness.
Because each nation has known this time of the eternal present, where he sought not to dominate the universe but to live in harmony with the universe. Time of sensation, instinct, intuition. Time of mystery and initiation. Mystical or sacred time was everywhere, where everything was signs and letters. It's time magicians, sorcerers and shamans. The time of the speech was great, because it respects and is repeated from generation to generation and passed on from century to century, legends as old as the gods.
Africa has had to recollect all the peoples of the land they had shared the same childhood. Africa has awakened the simple joys, happiness and fleeting this need, this need that I think myself so much, this need to believe rather than understand this need to feel rather than reason, that need to be in harmony rather than conquest.
Those who consider African culture backward, those who hold the Africans for older children, all of them have forgotten that the ancient Greeks who taught us so much on the use of reason had its witches, his soothsayers, its cults mystery, secret societies, sacred woods and mythology that came from the depths of time in which we still draw today, a priceless treasure of human wisdom.
Africa, which also has great dramatic poem and its tragic legends, listening to Sophocles, heard a voice more familiar than it would have grown and recognized in the West African art forms of beauty that had once been his and he felt the need to resurrect.
Then hear, African youth, how many African Rimbaud when he puts the colors on the vowels like your ancestors put on their masks, "black mask, red mask, white mask-and-black."
Open your eyes, African youth, and do not look well, as did your elders too often, the world civilization as a threat to your identity, but the world civilization as something that belongs to you too.
Once you recognize the universal wisdom share the wisdom you hold of your fathers and you have the will to make it fruitful, then begin what I hope for the African Renaissance.
Since you proclaim that the African man is not doomed to a fate which would inevitably tragic, and that throughout Africa there can be no other goal than happiness, then start the African Renaissance.
Once you young African, you will declare that there can be other purposes for an African policy that African unity and the unity of mankind, then start the African Renaissance.
When you look straight at the reality of Africa and that you take it head on, then start the African Renaissance. For the problem of Africa is that it has become a myth that everyone needs to rebuild its case.
And this myth prevents to face the reality of Africa.
The reality of Africa is a demographic too strong to weak economic growth.
The reality of Africa is still too much starvation, too much misery.
The reality of Africa is the scarcity that creates violence.
The reality of Africa is development that does not go fast enough, that agriculture does not produce enough, the lack of roads is the lack of schools, c ' is the lack of hospitals.
The reality of Africa is a big waste of energy, courage, talent and intelligence.
The reality of Africa is that of a great continent that has everything to succeed and that fails because it can not free itself from its myths.
Renaissance which Africa needs, only you, Young Africa, you can accomplish it because you'll only force.
The Renaissance, I am here to propose it. I am here to propose that we do together because of the Renaissance of Africa depends to a large extent the European Renaissance and the Renaissance world.
I know the desire to leave experienced so many of you face the challenges of Africa.
I know the temptation of exile which pushes many young Africans to seek elsewhere what they do are not here to support their families.
I know what it takes determination, it takes courage to attempt this adventure, to leave his homeland, the land where you were born, where we grew up, to leave behind the familiar places where one was happy, the love of a mother, father or brother and solidarity, this heat, this community spirit that are so strong in Africa.
I know what it takes fortitude to face the change of scenery, remoteness, solitude.
I know what most of them face such events as challenges, as risks.
I know sometimes they will go to risk their lives to go through with what they believe to be their dream.
But I know that nothing will keep them.
Because nothing ever holds youth when she feels driven by his dreams.
I do not believe that African youth is thrust from that to escape poverty.
I believe that African youth is going because, like all youth, she wants to conquer the world.
Like all youths, she has a taste for adventure and the open sea.
She wants to see how they live, how we think, how we work, how we look elsewhere.
Africa will not achieve its Renaissance by cutting the wings of his youth. But Africa needs its youth.
The African Renaissance will begin by teaching the youth of Africa to live with the world, not to refuse.
African youth must feel that the world belongs to him as to all the youths of the land.
African youth must feel that everything will become possible as everything seemed possible for men of the Renaissance.
So I know that African youth must not only be the world's youth under house arrest. It can not be the only youth of the world that has the choice between hiding and turning inward.
It must be able to acquire, outside, Africa and the jurisdiction that it could not find her.
But it must also at the African land to its service the talent it has developed. We must return build Africa; must give them the knowledge, competence, dynamism of its executives. We must stop the looting of African elites that Africa needs to develop.
This means that African youth is not to be thank you to unscrupulous smugglers who play with your life.
This means that the youth of Africa is that their dignity is preserved.
It is able to study it to work is able to live decently. That basically means that all of Africa. Africa does not want charity. Africa does not help. Africa does not want favoritism.
What Africa wants and what to give, is solidarity, understanding and respect.
What Africa wants is not that we take charge of its future, is not that we think of his place, not that it decides for her.
What Africa wants is what France wants is cooperation, that the association is the partnership between nations equal in rights and duties.
African youth, you want democracy, you want freedom, you want justice, want the law? It is up to you to decide. France does not decide for you. But if you choose democracy, freedom, justice and the law, then France will partner with you to build them.
Youth of Africa, globalization as it is you do not like. Africa has paid too dearly for the mirage of collectivism and progressivism to yield to that of laissez-faire.
African youth you believe that free trade is beneficial but it is not a religion. You believe that competition is a means but not an end in itself. You do not believe in laissez-faire. You know that being too naive, Africa would be doomed to fall prey to predators in the world. And that you do not want to. Want an alternative globalization, with more humanity, more justice, more rules.
I am here to say that France wants it too. She wants to fight with Europe, she wants to fight with Africa, she wants to fight with all those, who in the world, want to change globalization. If Africa, France and Europe want it together, then we will succeed. But we can not express a desire for you.
African youth, you want development, you want growth, you want a higher standard of living.
But do you really want? Would you stop being arbitrary, corruption, violence? Do you think the property is respected, that money is invested instead of being hijacked? Do you think the state gets back to his job, he is stripped of the bureaucracies that stifle it, he is released from parasitism, clientelism, that his authority be restored, it dominates the feudal, he dominated corporatism? Would you like throughout the state rule of law that allows everyone to know what he can reasonably expect from others?
If you want, then France will be at your side to demand it, but nobody wants for you.
Do you think there is more hunger on the African soil? Do you think that, on African soil, there is never a single child to starve? Then look for food self-sufficiency. Then develop food crops. Africa first needs to produce for food. If this is what you want, African youth, you hold in your hands the future of Africa and France will work with you to build that future.
You want to fight against pollution? You want the development to be sustainable? You want the generations no longer live at the expense of future generations? You want everyone to pay the true cost of what it consumes? Want to develop clean technologies? It's up to you to decide. But if you choose, France will be by your side.
You want peace on the African continent? Want to collective security? You want the peaceful resolution of conflicts? You want to end the cycle of revenge and hatred? To you, my African friends, to decide. And if you choose, France will be at your side, as a steadfast friend, but France may not want to replace the youth of Africa.
Want to African Unity? France is also desired.
Because France wants the unity of Africa, for the unity of Africa make Africa for the Africans.
What will France do with Africa, is to face realities. This is how the policy realities and not the political myths.
What France wants with Africa is co-development, that is to say common development.
France wants with Africa joint projects of common clusters, universities, municipalities, joint laboratories.
What France wants with Africa is a common strategy in globalization.
What France wants with Africa is an immigration policy negotiated together, decided together that African youth can be hosted in France and throughout Europe with dignity and respect.
What France wants with Africa is an alliance of French youth and African youth for tomorrow's world is a better world.
What will France do with Africa is preparing for the advent of the Euro-Africa, this great common destiny which awaits Europe and Africa.
To those who, in Africa, watching warily this great project of the Mediterranean Union that France has proposed that all countries bordering the Mediterranean, I mean that in the spirit of France, it is not put away in Africa, which lies south of the Sahara, but on the contrary, it is to make the backbone of this Union Euro-Africa, the first step of the biggest dream peace and prosperity which Europeans and Africans are capable of designing a whole.
So my dear friends, only then, the black child of ara Laye, kneeling in the silence of the African night, and will understand that it can lift our heads and look with confidence to the future. And this black child of Camara Laye, he feels he reconciled in the two parts of himself. And finally he will feel a man like other men of humanity.
Thank you.
Let me first thank the Government and people of Senegal for their warm welcome. Let me thank the University of Dakar, which allows me first to address the elite of African youth as President of French Republic.
I am here to speak with frankness and sincerity that we owe to friends that we love and we respect that. I love Africa, I respect and love Africans.
Between Senegal and France, history has forged bonds of friendship that no one can undo. This friendship is strong and sincere. That's why I wanted to address, in Dakar, the fraternal hello from France to the whole of Africa.
I want this evening to speak to all Africans who are so different from each other, not the same language, not the same religion, who have different customs that have a different culture, not the same story and yet recognize each other as Africans. Therein lies the first mystery of Africa.
Yes, I want to speak to all the inhabitants of this continent ravaged, and in particular to young people, you who fought so hard against each other and often hated, sometimes you fight and you hate but still But that you recognize as brothers, brothers in suffering, brothers in humiliation, brothers in revolt, brothers in hope, brothers in the sense that you have a common destiny, brothers through this mysterious faith which you relates to the African soil, a faith that is passed from generation to generation and that exile itself can not erase.
I have not come, African youth, to mourn with you over the misfortunes of Africa. Because Africa does not need my tears.
I have not come, African youth, to feel sorry for your fate because your fate is in your hands first. What would you do, proud of my African youth pity?
I have not come to erase the past because the past is not erased.
I have not come to deny the sins or crimes because there were mistakes and there were crimes.
There was the slave trade, there was slavery, men, women, children bought and sold like commodities. And this crime was not only a crime against Africans, it was a crime against man, it was a crime against humanity.
And the black man who ever "intends to hold up the curses chained, hiccups or dying, the sound of one of them thrown into the sea." This black man who can not help but repeat itself endlessly "And this country cried for centuries that we are beasts." This black man, I want to say here in Dakar, has the face of all men in the world.
This suffering of the black man, I do not mean the man in the sense of sex, I mean the man in the sense of being human and of course the woman and man in its general acceptance. This suffering of the black man is the suffering of all men. This open wound in the soul of the black man is an open wound in the souls of all men.
But no one can claim to today's generations to expiate the crime committed by past generations. No one can ask the son to repent the sins of their fathers.
African youth, I am not here to talk about repentance. I'm here to tell you that I feel the slave trade and slavery as crimes against humanity. I'm here to tell you that your pain and your tears are ours and are therefore mine.
I am here to propose to look together, Africans and French, beyond the tear and beyond this pain.
I am here to propose youth of Africa, not to forget the tears and suffering that can not be forgotten, but to exceed them.
I am here to propose youth of Africa, not to rehash all the past but to draw together the lessons to watch the future together.
I came, African youth, confront you with our common history.
Africa has its share of responsibility for his own misfortune. It was entretuer in Africa as much as in Europe. But it is true that once the Europeans came to Africa as conquerors. They took the land of your ancestors. They have banished the gods, languages, beliefs and customs of your fathers. They said your fathers what to think, what they should believe, what they should do. They cut your fathers of their past, they have deprived of their soul and roots. They were disenchanted Africa.
They were wrong.
They have not seen the depth and richness of the African soul. They believed they were superior, they were more advanced, they were progress, that they were civilization.
They were wrong.
They wanted to convert the African people, they wanted to shape their image, they believed they had all the rights they thought they were all powerful, more powerful than the gods of Africa, more powerful than the African soul, more powerful than the sacred ties that men had patiently woven for millennia with heaven and earth of Africa, more powerful than the mysteries which were from time immemorial.
They were wrong.
They damaged a lifestyle. They have ruined a wonderful imagination. They damaged an ancient wisdom.
They were wrong.
They created an anxiety, a lot of living. They fed hatred. They have made it harder to openness to others, sharing, sharing because to open up, to exchange, to share, you must be sure of its identity, its values and beliefs. Faced with the colonizer, the colonized had ended up not having confidence in him, by not knowing who he was, is swayed by the fear of others, for fear of the future.
The colonizers came, he took, he served, he operated, he plundered resources, wealth does not belong to him. He stripped the colonized of his personality, his liberty, his land, the fruits of his labor.
It took but I want to say with respect that he also gave. He built bridges, roads, hospitals, clinics, schools. He made fertile virgin land, he gave his sentence, his work, his knowledge. I want to say here, all the settlers were not thieves, all the settlers were not exploiters.
There were bad men among them but there were also men of good will, men who believed a mission of civilization, men who thought they were doing well. They were wrong, but some were sincere. They believed liberty to give, they created alienation. They thought breaking the chains of obscurantism, superstition and servitude. They forged chains much heavier, they imposed a heavier servitude because they were the spirits were the souls who were enslaved. They believed give love without seeing that they were spreading hatred and rebellion.
Colonisation is not responsible for all the current problems of Africa. She is not responsible for the bloody wars that Africans are among them. She is not responsible for genocide. She is not responsible for dictators. She is not responsible for fanaticism. She is not responsible for corruption, prevarication. She is not responsible for wastage and pollution.
But colonization was a big mistake that was paid by the bitterness and suffering of those who had thought to give everything and do not understand why we wanted them all.
Colonization was a great mistake that destroyed the colonized self-esteem and gave birth in his heart that self-hatred that always leads to hatred of others.
Colonization was a big mistake but great fault of this was born the embryo of a common destiny. And this idea dear to my heart.
Colonization was a mistake that changed the destiny of Europe and the fate of Africa and who has mingled. And this common destiny was sealed by the blood of Africans who came to die in European wars.
And France does not forget that African blood shed for freedom.
No one can pretend that nothing had happened.
No one can pretend that this mistake had not occurred.
No one can pretend that this story had not occurred.
For better or for worse, the settlement has transformed the African and European.
Youth of Africa, you are heirs of the old African traditions and you are the heirs of all that the West has placed in the heart and soul of Africa.
Young African, European civilization was wrong to believe than that of your ancestors, but now the European civilization is yours too.
African youth do not succumb to the temptation of purity because it is a disease, a disease of the mind, and that is what is most dangerous in the world.
African youth, do not cut that enriches you, do not amputate a part of yourself. Purity is a lockdown, purity is an intolerance. The purity is a fantasy that leads to fanaticism.
I want to tell you, youth of Africa, the tragedy of Africa is not in an alleged inferiority of its art, its thought, its culture. For, in terms of art, thought and culture, is the West that began at school in Africa.
Modern art owes almost everything to Africa. The influence of Africa has helped to change not only the idea of beauty, not only a sense of rhythm, music, dance, but even said Senghor, how to walk or laugh at the world of twentieth century.
So I want to say to the youth of Africa, the tragedy of Africa does not come from what would be the African soul impervious to logic and reason. Because the African is as logical and reasonable that the European man.
Dipping into the African imagination that you have left your ancestors, drawing on stories, in proverbs, in the mythologies, rites, in which these forms since the dawn of time, are transmitted and enriched from generation to generation you will find the imagination and the strength to invent a future that you own, singular future will be like no other, where you finally feel free, free, young d Africa to be yourself, free to decide for yourself.
I'm here to tell you that you do not have to be ashamed of the values of African civilization, they pull you down but not up, they are an antidote to the materialism and individualism enslave the modern man, they are the most precious legacies face of dehumanization and the flattening of the world.
I am here to say that modern man who feels the need to reconcile with nature has much to learn from the African man living in harmony with nature for millennia.
I am here to say that this rift between these two parts of yourself is your greatest strength and your greatest weakness, depending on whether or not you strive to do the synthesis.
But I'm also here to tell you that there is in you, young people from Africa, two legacies, two wisdoms, two traditions that have long resisted: that of Africa and of Europe.
I'm here to tell you that this part African and European share yourself form your identity torn.
I have not come, African youth, you teach.
I do not come here to lecture.
But I'm here to tell you that part of Europe that is in you is the result of a great sin of pride of the West but that this part of Europe you are not unworthy.
Because it is the call of freedom, empowerment and justice and equality between women and men.
Because it is the appeal to reason and universal consciousness.
The tragedy of Africa is that the African man has never really entered history. The African peasant, who for thousands of years, lives with the seasons, whose ideal of life is to be in harmony with nature, knows only the eternal cycle of time punctuated by the endless repetition of the same gestures and same words.
In this imaginary world where everything starts always, there is no place for human adventure nor for the idea of progress.
In this universe where nature commands all, man escapes the anguish of history that torments modern man but the man remains motionless in the middle of an immutable order where everything seems to be predetermined.
Man never soars into the future. He never comes to mind out of rehearsal to invent a destiny.
The problem in Africa and allow a friend of Africa to say, it's there. The challenge for Africa is to go into more history. Is to tap into her energy, strength, desire, willingness to listen and to espouse its own history.
The problem with Africa is to stop always repeating, always to dwell, to free themselves from the myth of eternal return, is to realize that the golden age that continues to sorry, will not return for the reason that he never existed.
The problem with Africa is that she too saw this in nostalgia for the lost paradise of childhood.
The problem with Africa is that too often it considers this as compared to pure origins totally imaginary and that no one can hope to resuscitate.
The problem of Africa, not to invent a more or less mythical help to support this but to invent a future with the means of its own.
The problem of Africa, not to prepare for the return of misfortune, as if it were to be repeated indefinitely, but to try to find ways to avert misfortune, because Africa has the right to happiness like all the other continents of the world.
The problem with Africa is to remain true to itself without standing still.
The challenge for Africa is to learn to watch his accession to the universal not as a denial of what it is but as an achievement.
The challenge for Africa is to learn to feel the heir to everything he yad'universel in all human civilizations.
It is appropriate the human rights, democracy, freedom, equality, justice as the common heritage of all civilizations and all men.
Is to appropriate modern science and technology as the product of any human intelligence.
The challenge for Africa is that of all civilizations, all cultures, all people who want to keep their identity without shut themselves because they know that the confinement is mortal.
Civilizations are great to the extent of their participation in the great mix of the human spirit.
The weakness of Africa that has experienced on its soil so brilliant civilizations, it was not long enough to attend this great blend. She has paid dearly, Africa, the disengagement of the world that made it so vulnerable. But its woes, Africa has drawn new strength by blending in turn. This fusion, whatever the painful conditions of his coming, is the real strength and real opportunity for Africa to emerge when the first global civilization.
Islamic civilization, Christianity, colonization, beyond the crimes and sins that were committed in their name and are not excusable, have opened their hearts and minds to the universal and African history.
Do not let young African, stealing your future by those who do oppose the intolerance of intolerance, racism as racism.
Do not let young African, stealing your future by those who want to expropriate a history that belongs to you also because it was the painful history of your parents, your grandparents and your ancestors.
Do not listen, young people in Africa, those who want to lift Africa out of history in the name of tradition or because an African nothing would change again condemned to servitude.
Do not listen, young people in Africa, those who want to prevent you from taking your part in the human adventure, because without you, young people in Africa who are the youth of the world, the human adventure will be less beautiful.
Do not listen to young people in Africa, those who want to uproot them, depriving you of your identity, to obliterate everything that is African, from all mysticism, religiosity, the sensitivity, the African mentality, because for exchange it must have something to give, because to talk to others, it must have something to say.
Listen to this, youth of Africa, the great voice of President Senghor, who sought all his life to reconcile the legacies and cultures at the crossroads where the accidents and tragedies of history had placed Africa.
He told him the child of Joal, which was rocked by the rhapsodies of the griots, he said: "We are of mixed cultural, and if we feel negroes, we speak French, because French is a language universal vocation, that our message is also the French and the other men. "
He also said: "The French gave us the gift of his abstract words-so rare in our mother tongues. In our words are naturally suffused with an aura of sap and blood, the words of the French themselves a thousand lights shine like diamonds. Flares that illuminate our night. "
Thus Spake Leopold Senghor, who brought honor to all that humanity has intelligence. This great poet and the great African meant that Africa began to speak to all mankind and he wrote poems in French for all men.
These poems were songs that spoke to all men, fabulous beings who keep the fountains, singing in the rivers and hiding in the trees.
Poems that made them hear the voices of the dead and the ancestors of the village.
Poems that were through forests of symbols and back to the source of ancestral memory that each people to the depths of his consciousness as the adult remains in the depths of his memories of childhood happiness.
Because each nation has known this time of the eternal present, where he sought not to dominate the universe but to live in harmony with the universe. Time of sensation, instinct, intuition. Time of mystery and initiation. Mystical or sacred time was everywhere, where everything was signs and letters. It's time magicians, sorcerers and shamans. The time of the speech was great, because it respects and is repeated from generation to generation and passed on from century to century, legends as old as the gods.
Africa has had to recollect all the peoples of the land they had shared the same childhood. Africa has awakened the simple joys, happiness and fleeting this need, this need that I think myself so much, this need to believe rather than understand this need to feel rather than reason, that need to be in harmony rather than conquest.
Those who consider African culture backward, those who hold the Africans for older children, all of them have forgotten that the ancient Greeks who taught us so much on the use of reason had its witches, his soothsayers, its cults mystery, secret societies, sacred woods and mythology that came from the depths of time in which we still draw today, a priceless treasure of human wisdom.
Africa, which also has great dramatic poem and its tragic legends, listening to Sophocles, heard a voice more familiar than it would have grown and recognized in the West African art forms of beauty that had once been his and he felt the need to resurrect.
Then hear, African youth, how many African Rimbaud when he puts the colors on the vowels like your ancestors put on their masks, "black mask, red mask, white mask-and-black."
Open your eyes, African youth, and do not look well, as did your elders too often, the world civilization as a threat to your identity, but the world civilization as something that belongs to you too.
Once you recognize the universal wisdom share the wisdom you hold of your fathers and you have the will to make it fruitful, then begin what I hope for the African Renaissance.
Since you proclaim that the African man is not doomed to a fate which would inevitably tragic, and that throughout Africa there can be no other goal than happiness, then start the African Renaissance.
Once you young African, you will declare that there can be other purposes for an African policy that African unity and the unity of mankind, then start the African Renaissance.
When you look straight at the reality of Africa and that you take it head on, then start the African Renaissance. For the problem of Africa is that it has become a myth that everyone needs to rebuild its case.
And this myth prevents to face the reality of Africa.
The reality of Africa is a demographic too strong to weak economic growth.
The reality of Africa is still too much starvation, too much misery.
The reality of Africa is the scarcity that creates violence.
The reality of Africa is development that does not go fast enough, that agriculture does not produce enough, the lack of roads is the lack of schools, c ' is the lack of hospitals.
The reality of Africa is a big waste of energy, courage, talent and intelligence.
The reality of Africa is that of a great continent that has everything to succeed and that fails because it can not free itself from its myths.
Renaissance which Africa needs, only you, Young Africa, you can accomplish it because you'll only force.
The Renaissance, I am here to propose it. I am here to propose that we do together because of the Renaissance of Africa depends to a large extent the European Renaissance and the Renaissance world.
I know the desire to leave experienced so many of you face the challenges of Africa.
I know the temptation of exile which pushes many young Africans to seek elsewhere what they do are not here to support their families.
I know what it takes determination, it takes courage to attempt this adventure, to leave his homeland, the land where you were born, where we grew up, to leave behind the familiar places where one was happy, the love of a mother, father or brother and solidarity, this heat, this community spirit that are so strong in Africa.
I know what it takes fortitude to face the change of scenery, remoteness, solitude.
I know what most of them face such events as challenges, as risks.
I know sometimes they will go to risk their lives to go through with what they believe to be their dream.
But I know that nothing will keep them.
Because nothing ever holds youth when she feels driven by his dreams.
I do not believe that African youth is thrust from that to escape poverty.
I believe that African youth is going because, like all youth, she wants to conquer the world.
Like all youths, she has a taste for adventure and the open sea.
She wants to see how they live, how we think, how we work, how we look elsewhere.
Africa will not achieve its Renaissance by cutting the wings of his youth. But Africa needs its youth.
The African Renaissance will begin by teaching the youth of Africa to live with the world, not to refuse.
African youth must feel that the world belongs to him as to all the youths of the land.
African youth must feel that everything will become possible as everything seemed possible for men of the Renaissance.
So I know that African youth must not only be the world's youth under house arrest. It can not be the only youth of the world that has the choice between hiding and turning inward.
It must be able to acquire, outside, Africa and the jurisdiction that it could not find her.
But it must also at the African land to its service the talent it has developed. We must return build Africa; must give them the knowledge, competence, dynamism of its executives. We must stop the looting of African elites that Africa needs to develop.
This means that African youth is not to be thank you to unscrupulous smugglers who play with your life.
This means that the youth of Africa is that their dignity is preserved.
It is able to study it to work is able to live decently. That basically means that all of Africa. Africa does not want charity. Africa does not help. Africa does not want favoritism.
What Africa wants and what to give, is solidarity, understanding and respect.
What Africa wants is not that we take charge of its future, is not that we think of his place, not that it decides for her.
What Africa wants is what France wants is cooperation, that the association is the partnership between nations equal in rights and duties.
African youth, you want democracy, you want freedom, you want justice, want the law? It is up to you to decide. France does not decide for you. But if you choose democracy, freedom, justice and the law, then France will partner with you to build them.
Youth of Africa, globalization as it is you do not like. Africa has paid too dearly for the mirage of collectivism and progressivism to yield to that of laissez-faire.
African youth you believe that free trade is beneficial but it is not a religion. You believe that competition is a means but not an end in itself. You do not believe in laissez-faire. You know that being too naive, Africa would be doomed to fall prey to predators in the world. And that you do not want to. Want an alternative globalization, with more humanity, more justice, more rules.
I am here to say that France wants it too. She wants to fight with Europe, she wants to fight with Africa, she wants to fight with all those, who in the world, want to change globalization. If Africa, France and Europe want it together, then we will succeed. But we can not express a desire for you.
African youth, you want development, you want growth, you want a higher standard of living.
But do you really want? Would you stop being arbitrary, corruption, violence? Do you think the property is respected, that money is invested instead of being hijacked? Do you think the state gets back to his job, he is stripped of the bureaucracies that stifle it, he is released from parasitism, clientelism, that his authority be restored, it dominates the feudal, he dominated corporatism? Would you like throughout the state rule of law that allows everyone to know what he can reasonably expect from others?
If you want, then France will be at your side to demand it, but nobody wants for you.
Do you think there is more hunger on the African soil? Do you think that, on African soil, there is never a single child to starve? Then look for food self-sufficiency. Then develop food crops. Africa first needs to produce for food. If this is what you want, African youth, you hold in your hands the future of Africa and France will work with you to build that future.
You want to fight against pollution? You want the development to be sustainable? You want the generations no longer live at the expense of future generations? You want everyone to pay the true cost of what it consumes? Want to develop clean technologies? It's up to you to decide. But if you choose, France will be by your side.
You want peace on the African continent? Want to collective security? You want the peaceful resolution of conflicts? You want to end the cycle of revenge and hatred? To you, my African friends, to decide. And if you choose, France will be at your side, as a steadfast friend, but France may not want to replace the youth of Africa.
Want to African Unity? France is also desired.
Because France wants the unity of Africa, for the unity of Africa make Africa for the Africans.
What will France do with Africa, is to face realities. This is how the policy realities and not the political myths.
What France wants with Africa is co-development, that is to say common development.
France wants with Africa joint projects of common clusters, universities, municipalities, joint laboratories.
What France wants with Africa is a common strategy in globalization.
What France wants with Africa is an immigration policy negotiated together, decided together that African youth can be hosted in France and throughout Europe with dignity and respect.
What France wants with Africa is an alliance of French youth and African youth for tomorrow's world is a better world.
What will France do with Africa is preparing for the advent of the Euro-Africa, this great common destiny which awaits Europe and Africa.
To those who, in Africa, watching warily this great project of the Mediterranean Union that France has proposed that all countries bordering the Mediterranean, I mean that in the spirit of France, it is not put away in Africa, which lies south of the Sahara, but on the contrary, it is to make the backbone of this Union Euro-Africa, the first step of the biggest dream peace and prosperity which Europeans and Africans are capable of designing a whole.
So my dear friends, only then, the black child of ara Laye, kneeling in the silence of the African night, and will understand that it can lift our heads and look with confidence to the future. And this black child of Camara Laye, he feels he reconciled in the two parts of himself. And finally he will feel a man like other men of humanity.
Thank you.
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